Robert Combas à Sainte-Anne, c’était à la fois un rêve et une évidence. Le caractère protéiforme, généreux, exubérant même, populaire et exigeant d’une œuvre chargée de références, de clefs, de symboles, d’histoires et de mots, d’une peinture toujours renouvelée, sensuelle mais créatrice de sens, devait un jour s’accorder avec la dimension spirituelle intacte d’un lieu atypique dans la scène contemporaine. La richesse du vocabulaire plastique de l’artiste, sa capacité à investir un espace pour ce qu’il est, à ne pas le considérer comme une simple coquille vide que l’on remplit, à saisir les vibrations et les fantômes de ses murs, nous renvoient aux plus grands modèles de l’histoire et à leur pouvoir de s’affirmer comme hors du temps tout en sublimant leur époque. Cette rencontre promettait un feu d’artifices inédit.

Après avoir visité plusieurs fois le Carré Sainte-Anne, Robert Combas s’est longtemps interrogé sur la forme et la densité qu’il souhaitait donner à son exposition. Il écrit ainsi ces quelques lignes  : «  On sent dans cette exposition un essai d’osmose avec le lieu du Carré Sainte-Anne qui est une transcription au 19ème siècle d’un style créé quelques siècles plus tôt. Du néogothique, un gothique agrémenté de Romantique et avec moi ajouté d’atypique (à ressorts). La diversité c’est la vérité terrienne. La mélancolie est une maladie. La mélancolie à ressorts, c’est à dire que c’est la mélancolie mais que ça bouge  ». Une solution littérale et un peu fainéante à l’équation aurait consisté à puiser quelques œuvres liées à l’histoire chrétienne dans son corpus, et à les disposer harmonieusement. Son ambition fut toute autre. Attentif à la lumière déposée par les vitraux et aux effets de matière et de grain de la pierre, Robert Combas a décidé de créer des toiles en complémentarité plus qu’en résonance avec l’ancienne église. Il compose alors des peintures et des papiers dominés par les noirs et les blancs, par le dessin et le trait, comme l’illusion de sculptures et de bas-reliefs nichés dans les murs, parfois effleurés de ces touches de couleur qui surgissent au gré des heures du jour.

La réalisation du papier peint pour les cimaises latérales, la scénographie inventée par lui-même, la série exceptionnelle d’oeuvres conçues spécifiquement pour le lieu et l’exposition témoignent de la minutie et du tempérament perfectionniste de Robert Combas lorsqu’un projet lui tient à cœur. Ils participent au fait qu’il soit reconnu aujourd’hui comme l’un des artistes français les plus singuliers, les plus créatifs, les plus importants, les plus présents sur la durée. Complétée par l’immense sculpture de la Vénus-Isis et par un mur de crucifix formés de pinceaux et de tubes de couleurs, vécu comme un véritable concept plus que comme une accumulation, l’exposition du Carré Sainte-Anne est à parcourir en ballet, en orchestration de son univers mental et poétique. Robert Combas a souvent été comparé à un démiurge ou un chamane. Son énergie dévorante, effrayante même, et sa sensibilité extrême aux silences profonds du monde invisible ne laissent planer aucun doute à ce sujet. Mais il démontre à Sainte-Anne, une fois encore dans sa vie, une volonté de traduire pour le plus grand nombre les mystères aperçus par son cœur écorché.

Numa Hambursin (Commissariat et Direction Artistique)