PEINTURE, exposition croisée de Jean Pierre Raynaud et Robert Combas

Du 13 octobre au 25 novembre 2023

Galerie Laurent Strouk
2 avenue Matignon, 75008 Paris
5 rue du Mail, 75002 Paris

Vernissage le 12 octobre de 18h à 21h dans les deux espaces.

Preview de l’exposition Peinture avec Robert Combas et Jean Pierre Raynaud :

Raynaud sans interdit et le chevalier Combas

D’un côté Robert Combas, né en 1957, marqué par les arts populaires, le Pop art, la bande dessinée, le rock, la publicité. Dès le début de son œuvre, il se détache des mouvements conceptuels des années 1970 pour renouer avec une peinture bien réelle, insolente, pulsionnelle, une peinture combative, quasi expressionniste et aussi pleine d’humour critique.

De l’autre Jean Pierre Raynaud, né en 1939, qui dès le début des années soixante, emploie de façon obsessionnelle des motifs et des objets liés à son histoire pour se les réapproprier en leur donnant une valeur formelle tout en intervenant légèrement pour leur offrir tout leur sens. Ainsi, des carreaux de céramique blanc de 15 cm de côté à joints noirs qui recouvrent sculptures, containers maritimes, architectures ; des containers médicaux en inox emplis de gravats d’une maison entièrement carrelée puis détruite ; des pots de fleurs Psycho-objets de toute taille remplis de ciment et peints de couleurs vives ou des panneaux de signalisation Sens interdits.

En faisant le choix de présenter ces deux artistes en résonance, la Galerie Strouk – au-delà d’une recherche de correspondances ou de discordances entre leurs œuvres si singulières – permet d’assister au retentissement d’une sensibilité sur une autre, et inversement.

Cette exposition inédite, à la fois par ses qualités historique et muséale, confirme l’engagement fort et le soutien années après années de la galerie envers ces deux artistes.

« Ce qu’on apporte, c’est la peinture ! », affirme Jean Pierre Raynaud.

 

Robert Combas et Jean Pierre Raynaud façonnent en effet ce même matériau : la peinture.

Au singulier dans ce qu’elle a de programmatique chez Jean Pierre Raynaud, au pluriel dans la variété infinie de ses manifestations chez Robert Combas.

 

Ainsi, Raynaud convoque et décline, dans ses œuvres conçues entre 2007 et 2009, la puissance hallucinatoire de la marchandise « peinture » et de ses marques : Avi, Ripolin, Corona, Novémail, Renaulac, Nitrolac… exhibées comme des signalisations magnétiques et colorées dans l’obscurité du monde publicitaire et consumériste.

Il le dira lui-même : « je me suis offert l’expérience de la peinture ! Pendant trois ans, j’ai rencontré la peinture ».

C’est cette expérience qui lui permet aujourd’hui de rencontrer Combas qui, dans son rapport pulsionnel et corporel à la peinture, entre sans cesse dans l’hallucination elle-même et nous fait éprouver, par ses œuvres, ses perceptions ou sensations hors du commun.

Jean Pierre Raynaud pense d’ailleurs la peinture de Robert Combas comme une jouissance qui s’échappe du tube, comme une sensualité tout droit sortie du corps ; là où il se dit lui-même être dans la « rectitude », ayant « fermé les yeux pour voir la peinture ».

Robert Combas ouvre son corps pour faire surgir la peinture tandis que Jean Pierre Raynaud ferme les yeux pour la voir.

 

Pourquoi ces deux-là ont-ils eu envie de montrer leurs œuvres ensemble ? Peut-être pour écrire en peinture une sorte de manifeste de l’amour.

Ce sont deux façons d’appréhender la peinture qui se rencontrent, deux artistes formés depuis bien longtemps qui ne cherchent aucunement à s’influencer l’un l’autre. Chacun a son œuvre tout en respectant le talent de l’autre. « On apporte deux mondes qui ne s’excluent pas. C’est comme aimer la mer et la montagne, ou le versant Nord et le versant Sud. La peinture nous rassemble, c’est la profondeur qui nous unit. », avance Jean Pierre Raynaud.

 

Profondeur de la mer ou hauteur de la montagne, ces deux mesures verticales se rejoignent au miroir de l’horizon.

 

Deux mondes se regardent ainsi en miroir incongru : celui du mental Jean Pierre Raynaud nous parlant d’introspection dans cette peinture qui se vide de toute peinture ; celui du chevalier Robert Combas nous parlant d’instinct et de conquête dans ces peintures qui débordent de peinture.

 

Chez Jean Pierre Raynaud, l’œuvre est un manifeste. Ses productions offrent au regard les principes d’une morale vécue. Ainsi il en va du recueillement.

Chez Robert Combas, l’œuvre est, au contraire, un combat. Ses productions offrent au regard les principes d’une bataille vécue. Ainsi il en va de l’effervescence.

 

Robert Combas, Jean Pierre Raynaud, tous deux particularités de l’histoire de l’art. Aucun des deux ne cherche à se situer dans une histoire générale et contemporaine mais plutôt à interroger une histoire du fond des âges. Tous deux actionnent leur balancier propre qui les fait naviguer de leur cellule intérieure au monde extérieur, et vice versa.

Chez Robert Combas, la cellule de la surface de la toile enferme la profusion. Comme chez Jean Pierre Raynaud où la cellule architecturale se recouvre de milliers de carreaux de céramique blanche (la maison, le mastaba), ses pots de peinture, vides et renversés, exposent leurs couvercles colorés comme des signalétiques ou des totems à idolâtrer.

Chez Jean Pierre Raynaud, l’expansion infinie des psycho-objets peut envahir tout espace. Comme chez Robert Combas l’expansion infinie de l’espace mental se manifeste par l’émiettement fabuleux de sa subjectivité.

 

Quelque chose de très puissant rassemble finalement ces deux façons d’être : l’union de la mort et de la vie, toutes deux présentes autant dans la contemplation de l’un que dans le combat de l’autre. La mort se tient au cœur de la vie, au cœur de la création. C’est cette tension dialectique entre vie et mort, entre création et vanité, qui fait se tenir Robert Combas et Jean Pierre Raynaud au point de contact solide de deux instincts aussi profonds qu’énigmatiques.

 

Kristell Loquet (avec Jean Pierre Raynaud)